Sur les traces des nomades
Combien de temps verra-t-on encore les noirs tchadors le long de la frontière irano-afghane?
Lors de la dernière séance de rédaction de torba, notre team a décidé de traiter le sujet «beloudj». Comme nous entreprenions un voyage d’achat avec quelques clients, il paraissait évident d’y adjoindre une visite aux beloudjs entre Meshed et Zahedan.
Depuis la Suisse, j’ai commandé une voiture tous-terrains, un chauffeur sachant l’anglais pour fonctionner comme interprète et un bon connaisseur de la région. Ce ne fût pas simple car, dans tout Meshed il n’y avait pas de voiture de location pouvant satisfaire à nos besoins. Malgré toutes les résistances, notre équipage et une voiture nous attendaient à notre arrivée en Iran.
Après avoir effectué nos achats de tapis à Téhéran, nous nous embarquons pour Meshed où notre chauffeur Archi et le marchand de tapis Morteza Vafaian nous attendent à l’aéroport. Le jour suivant nous achetons des bouteilles d’eau, des boissons en boîte et quelques provisions. Au bazar de Meshed nous essayons de glaner des informations sur les stations d’été des nomades beloudj. Malheureusement presque personne ne peut éclairer notre lanterne. On nous conseille même de ne pas y aller. En effet la frontière est surveillée de près par l’armée et par la brigade des stupéfiants; les beloudjs sont armés et les contrebandiers n’hésitent pas à faire usage de leurs armes.
Avant ce voyage j’ai évidemment étudié la vie des beloudjs iraniens. Je voulais savoir où se trouvaient leur quartiers d’été et d’hiver, d’où ils venaient, quelle langue ils parlaient. J’ai trouvé la réponse à ces questions dans différents ouvrages (voir le reportage torba).
Le voyage
Fort de toutes ces informations, équipés de cartes précises, de GPS et de l’enthousiasme nécessaire, nous nous mettons en route tous les six (Bruno, Jakob, Urs, le chauffeur Archi, Morteza et moi) de Meshed à Zahedan, avec pour première étape, Fariman. A chaque endroit nous cherchions des tentes beloudj ou des tchadors noirs mais sans succès. A Fariman nous espérions trouver la tribu des Sangtchouli, à Torbat-e-Djam celles des barbari et des timouri. Mais hélas, aucune tente ne pointait à l’horizon.
D’après les indigènes, tous les beloudjs qui avaient l’habitude de camper ici pendant l’été, étaient devenus sédentaires.
A Torbat-e-Haidari nous trouvons la même situation.
Au sud de Jonnatabad, à Ahangaran (N34° 34,112'; E59° 14,846') nous avons l’occasion de discuter avec des beloudjs. Des représentants de trois générations nous donnent des informations. Ils vivent ici depuis 15 ans. Ils ont abandonné l’élevage pour se consacrer à la culture du coton. Le gouvernement les a encouragé à se sédentariser en leur fournissant des matériaux de construction, des machines agricoles et bien d’autres choses. Les raisons de cette action sont multiples: dans cette région sévit la contrebande de drogue, les nomades constituent un obstacle au contrôle de la zone frontalière.
Les contrebandiers agissent sans vergogne et, par des enlèvements, contraignent les beloudjs à prendre une part active au transport de la drogue.
Le grand-père pense avec mélancolie au temps jadis alors que le fils préfère la nouvelle façon de vivre. Il se souvient mal de la vie nomade. Le père nous donne quelques indications qui nous seront très utiles pour nos recherches. Il est persuadé que nous rencontrerons des «tchadors » noirs aux environs de Nebbandan.
Après le passage de quelques contrôles de police parfois exécutés par des fonctionnaires de la brigade anti-drogue en civil, nous atteignons la plaine de Zabol. Enfin nous trouvons ces nomades si recherchés, des beloudjs des tribus brahoui et timouri à Mile-e-Nader près de Zabol. Nous comptons environs cinquante tentes, réparties sur cinq pâturages. Partout nous sommes accueillis avec chaleur et nourris en conséquence. Certains ont bâti des cabanes en terre glaise à côté de leur tente afin d’y trouver un peu de fraîcheur pendant les grandes chaleurs de l’été. Nous ne voyons presque pas de métier à tisser. Les tentes par contre sont toutes décorées de tapis faits maison. Toutes les familles ont encore des troupeaux importants de moutons et de chèvres.
Mohamad, le chef d’une tribu, nous explique que leur vie nomade ne sera probablement que de courte durée. Le gouvernement veut leur construire des maisons en dur avec toutes les infrastructures modernes telles qu’électricité, eau et téléphone. Il y aura même une école. Ensuite les tentes seront confisquées puis probablement brûlées. Ce voyage de repérage nous a tous laissé songeurs. Même dans ces régions reculées de l’Iran, le temps ne s’arrête pas. Les routes sont larges, le téléphone mobile est présent, les articles en plastique remplacent les objets en bois ou en métal, travaillés à la main.
Un petit-déjeuner composé d’oeufs au plat, de pain et de thé pour six grands mangeurs ne coûte encore que $ 1.20.
Mais bientôt les prix s’aligneront sur ceux de Téhéran. Je suis très content d’avoir visité cette contrée maintenant. Demain déjà je devrai décrire mes impressions différemment.