Sur les traces des nomades
Les chameaux seront-ils encore utilisés comme bêtes de somme?
Symboles de la vie libre des nomades il y a 20 ans, leurs jours sont aujourd’hui comptés.
Domestiqués depuis déjà 6000 ans, ils vivaient auparavant probablement à l’état sauvage dans le nord de l’Afrique ou la péninsule arabique. On en connaît deux types: le chameau de bât lourd, robuste, lent destiné au transport et la monture légère, rapide et agile. Leur pelage à tous les deux est court et bouclé, mais plus long sur le cou et le torse.
Les chameaux se nourrissent d’herbe et autres végétaux. Ils survivent même dans des régions arides où la végétation est rare. Ils se sont adaptés à des climats secs et chauds. Leur capacité à supporter de longues périodes sans boire est remarquable car ils peuvent accumuler de grandes quantités d’eau dans leur corps. Leurs bosses ont une fonction importante. Elles les protègent des ardeurs du soleil et servent à accumuler des réserves, non d’eau comme certains le croient, mais de graisse.
L’eau est gardée dans l’estomac. Afin de diminuer la déperdition d’eau, les reins produisent une urine très concentrée et leur crottin est pratiquement déshydraté.
La température des chameaux baisse beaucoup pendant la nuit et remonte progressivement durant la journée. Ainsi ils n’ont pas besoin de transpirer beaucoup pour se rafraîchir. Pendant leurs périodes d’abstinence, ils peuvent perdre jusqu’à 27% de leur poids corporel sans mettre leur vie en danger. Il leur suffit de boire abondamment pendant 10 minutes pour récupérer.
Des tracteurs à la place de chameaux
L’environnement des nomades a tellement changé au cours de ces 20 dernières années que, pour survivre, ils ont dû commencer à utiliser des camionnettes et des tracteurs. Les raisons en sont les mêmes, que ce soit en Turquie ou en Iran. L’accroissement de la population sédentaire, l’agrandissement des villages et l’extension des terres cultivées rétrécissent partout les pâturages. De plus, lors de la révolution blanche du Shah d’Iran, les terres ont été confisquées aux nomades au profit de l’Etat qui en fit parfois des réserves. Les nomades ont donc toujours plus de peine à nourrir leurs troupeaux. Autre problème, les chemins traditionnels de transhumance longent les cours d’eau et traversent maintenant des villages et des zones cultivées. Les villageois exigent des sommes toujours plus importantes en dédommagement des dégâts provoqués par le cheptel. Depuis la révolution islamique de 1979, le gouvernement iranien a beaucoup fait pour sortir les petits villages de leur isolement. Des routes ont été construites, l’eau potable, l’électricité et même le téléphone rejoignent pratiquement tous les villages.
En Anatolie orientale, pour l’exploitation forestière ou pour des raisons militaires, de nombreuses routes ont également été construites. Les nomades ont donc perdu le marché des transports entre villages isolés et inaccessibles à l’aide de moyens mécanisés.
De la même manière, le cheval a également perdu de son importance. Les nomades s’en servaient comme monture ou pour le transport des animaux nouveau-nés. La transhumance étant plus rapide, les nomades peuvent attendre que les nouveau-nés soient assez robustes pour se déplacer tout seul. La moto s’est révélée meilleure marché à l’usage que le cheval. Enfin, en subventionnant les tracteurs, le gouvernement iranien a porté le coup de grâce aux animaux de bâts.
Avec la vente de ces animaux, beaucoup d’objets faits de tissages n’avaient plus aucune utilité. Les marchands ambulants achetaient donc en vrac l’animal, sa selle, son harnachement et toutes les diverses sacoches qui allaient avec. Les grands sacs et les djowals étaient conservés.
Accrochés auparavant de chaque côté du chameau et destinés à contenir les habits et les ustensiles ménagers, on les charge maintenant dans les remorques. Sous les tentes, ils sont encore utilisés pour se protéger du vent, souvent violent l’été sur les pâturages, ou des animaux domestiques.
Lors de mes voyages, je ne croise jamais une caravane sans émotion. Devant, les chameaux chargés avec les tentes semblent conduire la procession. Perché sur l’un d’eux, le berger surveille la lente progression du troupeau et de la grande famille qui se déplace ainsi avec armes et bagages. Le temps ne remontera pas son cours et cela même mon âme romantique le sait.